Malcolm Saint Juste: Comment on fabrique des déprimés à coup d'antidépresseurs

01 février 2006

Comment on fabrique des déprimés à coup d'antidépresseurs

Les Français sont les recordmen du monde de la consommation d'antidépresseurs. Mais sont-ils aussi déprimés qu'on le dit ?

Selon une récente enquête réalisée auprès de 36 000 Français de plus de 18 ans, une personne sur dix aurait connu un épisode dépressif récemment.Le chiffre paraît énorme mais il doit, en fait, être largement relativisé car, si l'on gratte un peu, on s'aperçoit qu'il englobe des individus qui présentent des pathologies relativement minimes (humeur maussade prolongée, diminution de l'intérêt ou du plaisir, réduction de l'énergie, augmentation de la fatigabilité).

Est-il alors justifié de prescrire des antidépresseurs avec une telle ardeur ? Sûrement pas !

D'autant que les antidépresseurs les plus courants ne traitent que très imparfaitement la dépression. C'est ce que démontre très bien le livre de Guy Huguet : «Antidépresseurs, la grande intoxication» (Éditions Le Cherche Midi). Ce journaliste indépendant, ancien cadre de l'industrie pharmaceutique, vient de publier un livre où il remet en cause l'efficacité des antidépresseurs et dénonce la désinformation des médecins et du grand public à propos de ces traitements.

Guy Huguet s'appuie sur les données des firmes pharmaceutiques elles mêmes. II nous apprend ainsi que les tests effectués en 1985 par le fabricant du Prozac, avant son lancement, étaient loin d'être convaincants. Ils n'ont été réalisés que sur des personnes légèrement dépressives et démontrent, sur certains d'entre eux, une inefficacité totale et, pour d'autres, une action très faiblement supérieure à celle d'un placebo.

Malgré ces résultats, le Prozac a été largement commercialisé. Et il a ouvert la voie à d'autres antidépresseurs comparables, les IRS (Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine), employés par 60 % des consommateurs d'antidépresseurs aujourd'hui.

  • D'une part, les Français sont beaucoup moins déprimés qu'on ne le croit
  • et de l'autre, les antidépresseurs sont nettement moins efficaces qu'on ne le dit
Alors, comment expliquer la consommation massive d'antidépresseurs autrement que par la désinformation qui règne autour de ces produits ?

Aujourd'hui, 90 % des diagnostics de dépression sont
effectués par des médecins généralistes !

Or, la seule information dont ces derniers disposent en ce qui concerne les IRS provient des firmes pharmaceutiques qui financent l'intégralité des recherches, organisent des congrès pour en communiquer les résultats, et abreuvent de publicité la quasi totalité des revues médicales qui en rendent compte.

Face à ce dispositif implacable, les médecins généralistes finissent par voir des dépressifs partout, d'autant que la dépression n'est détectable par aucun marqueur biologique et qu'elle est donc très difficile à diagnostiquer.

Pire, les laboratoires cachent également les effets secondaires des antidépresseurs. On sait pourtant que certains patients ont constaté des symptômes inquiétants lors de la prise d'IRS ou de l'arrêt du traitement : tics nerveux, sensation de décharge électrique dans la tête, pensées suicidaires, violence...

Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, des associations de « victimes » d'IRS sont nées. Des études ont même affirmé que le Deroxat augmentait le risque de suicide chez les adolescents. Autrement dit, on fabrique plus de déprimés que l'on n'en soigne. Si l'information concernant tous les médicaments était indépendante et transparente, on n'en serait pas là.

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